L’atelier des mots – Goûts et dégoûts
J’aime …
J’aime que la noire de Crimée soit rouge et que des tomates peuvent être cerises
Délirer qu’il y a des souris qui dansent, qu’elles sont vertes et mangent de l’herbe
Que le téléphone est naturellement arabe, la file indienne et la boule de Berlin
Que Georges Sand est une femme « de l’Etre »
Que Joséphine a deux amours et que cela ne pose pas de problème
Que les paris sont de Brest et les bêtises de Cambrai
Surtout, j’aime quand la norme est difforme et que tu l’apprécies cambrée.
Je n’aime pas …
Quand les hirondelles ne font plus le printemps
Que les tartines tombent toujours du bon côté
Quand la lune est pleine, qu’elle soit responsable de tous les débordements
J’ai de la peine, quand Pépito nie Corazón et qu’il pleut sur son coeur comme il pleut sur la ville, quand les matins sont moroses et les bleus sont à l’âme.
Pire, je déteste …
Avoir appris que des étoiles d’or aient pu être cousues sur des hauts de vestes d’enfants
Me dire que des croix gammées ont encore cours et que, côté jardins, des seringues fleurissent
Apprendre d’un Capricorne qu’il a du cancer ascendant « j’ai maux »
Que des bonnes mines se disent antipersonnel
Que des faces de fleurs se voilent et des enfants soient déflorés
Que des religions jurent et des déments tirent
Que des usines avalent leurs ouvriers, alors que des «digérants» méprisent l’oxygène, la terre, la mer et nos cœurs qui se meurent
Je hais toutes ces choses et j’ai mal à mon impuissance.
Et dans ces moments-là, qu’est-ce que j’adore …
Les mélanges audacieux
Me dire que nous sommes des poussières d’étoiles
Savoir que la farigoule est un serpolet
Me réjouir à l’idée que la lune qui croît est une menteuse invétérée
Que la caverne est forcément d’Ali et le Baba au rhum, les parapluies du monde entier sont de Cherbourg, les ombres chinoises, les chewing-gums d’Hollywood, les Carambars des malabars et le Malabar une Princesse …
Persuadée que le mystère reste boule de gomme et la vérité … si je mens … si je vous dis tout ce que j’adore, vous n’en pourrez plus; surtout quand j’ai le blues, c’est fou ce que j’invente de choses à aimer.
© 30.11.2012, Jacqueline Clément, Extrait de « Strates à j’aime »