L’ouvroir des colonies résonne un peu comme «comptoir des colonies», il s’est imposé sans que j’aie eu à l’encourager. Il m’a plu d’emblée, sans doute parce que je suis issue de la lignée des natifs «du fil en aiguille». A la base, j’ai appris le métier de couturière que je n’ai pas pratiqué par la suite mais qui est resté profondément inscrit dans mes mains. A chaque fois que je touche des textiles, des fourrures, que je regarde des imprimés, les dégradés de bobines de fils au rayon mercerie d’un grand magasin, j’ai une piqûre de rappel, un sentiment de quelque chose qui me reconnaît et me séduit toujours. Parfois je fais le détour pour frôler les boutons et les ganses et me laisser charmer par ces jolis petits objets.
A priori cela semble bien loin de la peinture et pourtant, quand je peins et je «pastellise», je ressens cette même volupté. Je choisis de préférence un papier structuré pour créer des aléas. Je place évasivement un sujet au crayon et ensuite, c’est le fruit du hasard des coulures et des taches qui fixe le décor. En fait, je n’y suis pas pour grand-chose; je suis celle qui suit, je suis l’instrument mais la musique, elle, vient d’ailleurs ! Cette technique de libre-cours s’est instinctivement mise en place au fil du temps. C’est devenu mon ouvrage, ma toile de Jouy, mon métier à tisser, c’est mon aventure sensorielle.